Carnet d’écriture inactuelle (et de lecture actuelle, faisant suite à des mois d’engloutissement par l’écriture): Dans ma sphère d’auteurs, partie de ma chair (dont Marguerite Duras, Jean-Luc Lagarce, Annie Ernaux, Nathalie Sarraute… successions de noms qui se poursuivent hors du carnet, qui affluent), cherche à y entrer Hélène Bessette (suite). Dont j’ai longtemps différé la lecture. Je retrouve une phrase lapidaire dont Marguerite Duras avait le secret: « La littérature vivante, pour moi, c’est Hélène Bessette, personne d’autre en France », reprise sur la tranche d’un de ses livres, Vingt minutes de silence (éditions Le nouvel Attila, coll. Othello). Le rythme, lecture à voix haute, chacun le sien pour ce passage, exemple (respect de la ponctuation):
Ne fais pas la gourde. À te voir on dirait que l’homme en gris est dans ce train et que tu le regardes partir. ou le fils et son père, ou le garçon sans mère, ou le père en bière, ou Rose, Rose Trémières, avec le jour qui baisse, avec l’année qui baisse, avec le mois qui baisse, avec la vie qui baisse, avec l’amour qui baisse. Elle se détourne pour pleurer. Dans la rue. Calme-toi tu m’excèdes.
Le rythme et les vibrations du langage qui découpe les phrases avec ceci de particulier: sans encore lire le livre, je l’ouvre au hasard, et chaque page me prend, m’emporte par son rythme, ou mon rythme en lisant, cette expérience très particulière de lecture durant laquelle on oublie ses repères, on les perd, après un temps on relève la tête, on se demande où on était, ce qui s’est passé.
