À un moment de recherche entre les mots de ce qu’on ne dit habituellement pas, mais qu’on ressent, avant que le langage ne se forme, état de tension et de concentration extrême, retour à Nathalie Sarraute et ce titre qui décrit si bien où je me situe en écrivant, Entre la vie et la mort, ce qui n’a rien de mortifère ni de fin de vie, bien au contraire, état éminemment vivant :
Il existe quelque chose avant le langage — la sensation, le tropisme — et, également, le langage en général et l’écriture en particulier ne sont pas des structures qu’on manie mais des expériences que l’on vit. Écrire, précise-t-elle, c’est aller vers « des régions silencieuses et obscures où aucun mot ne s’est encore introduit, […] vers ce qui n’est encore que mouvance, virtualités, sensations vagues et globales, vers ce non-nommé qui oppose aux mots une résistance et pourtant les appelle, car il ne peut exister sans eux.
L’écriture en cours est physique, d’essence pré-sexuelle : elle part du corps avant même toute construction d’identité collective, des sensations qui traversent et ébranlent le corps, au présent. À partir de moments présents et situés dans la mémoire. Et qui m’ont conduit après une phase d’écriture, il y a deux jours, à un grand vertige rotatoire pendant que je courais sur la montagne. Je me suis arrêté jusqu’à ce que je me stabilise. Puis lentement j’ai repris ma course en descendant face au soleil. Brusquement, tout est devenu clair. Je n’ai pas pensé, j’ai senti. Des phrases sont venues très nettement, je les ai saisies en les dictant sur l’appli de mon téléphone.

Entre ce non-nommé et le langage qui n’est qu’un système de conventions, extrêmement simplifié, un code grossièrement établi pour la commodité de la communication, il faudra qu’une fusion se fasse pour que, patinant l’un contre l’autre, se confondant et s’étreignant dans une union toujours menacée, ils produisent un texte.