Ce qu’il se passe à la Comédie-Française depuis quelques semaines (depuis la deuxième fermeture des salles à l’automne 2020) avec les lectures à la table, renommées théâtre à la table pour l’occasion, est extraordinaire, une modification en profondeur s’opère dans mon rapport au texte écrit.Le dispositif est simple : une table, des tapuscrits, cinq jours de préparation sous la direction d’une actrice ou d’un acteur de ses collègues pour une lecture. La scénographie est réduite au strict nécessaire, parfois naît de la lecture elle-même.
Premier effet : Le saisissement. Il est lié à l’approche du texte, la profondeur des lectures, la subtilité et l’engagement des actrices et des acteurs (la caméra sait les saisir). L’émotion, que suscite chez eux le texte, traverse l’écran, se transmet, se répand. La lecture s’effectue aussi de ce côté-ci, avec eux, le texte devant mes yeux, lisant aussi à voix haute, m’interrompant sans m’en rendre compte quand la tension devient palpable.
Deuxième effet, que je constate depuis deux ou trois lectures à la table : la modification, plus insidieuse, de mon rapport au texte, lu comme en cours d’écriture, une concentration et une attention extrême, sans que je puisse dire encore exactement comment, mais je le sens au travers d’une liberté ajoutée. Le rapport au théâtre se transforme, je suis curieux de constater ce qu’il sera lorsque les représentations en salle reviendront possibles. Je m’avance sans doute en disant que l’exercice, s’il est habituel préalablement au spectacle, tel qu’il est réalisé ici atteint aussi les actrices et acteurs.
(capture d’écran lors de la lecture du Cid, dernière lecture à la table diffusée)