Les citations dans les Essais de Montaigne

Bénéficier des citations d’Horace dans les Essais de Montaigne et autres innombrables citations latines (parfois quatre ou cinq sur une même page) qui font partie intégrante du texte n’est pas aisé, malgré six ans de latin scolaire qui commence à être fort ancien. Montaigne, c’était quasi sa langue maternelle. Elles m’ont longtemps rebuté, m’empêchant d’entrer dans le texte.

Alors je le lis de deux façons, avec deux éditions : celle en français légèrement modernisé et avec traduction de toutes les citations dans le corps du texte de Claude Pinganaud (Éditions Arléa), et qui m’a enfin donné plein accès aux divers chapitres, me permettant d’établir mon dialogue avec les Essais ; dans la langue originale (avec tous les double points respectés, une des particularités stylistiques soulignée par François Bon) comme établie par Les bibliothèques humanistes de l’université de Tours.

Ce qui, pour revenir à Horace, donne par exemple dans les Odes II, 3 cité dans le chapitre Que Philosopher, c’est apprendre à mourir (Essais I, 20):

— Original :

Omnes eodem cogimur, omnium 
Versatur vrna, serius ocius 
Sors exitura & nos in aeter- 
Num exitium impositura, cymbae.

— Éditions de Claude Pinganaud :

Tous, nous sommes poussés par le même terme ;
Notre lot à tous est agité dans l’urne ;
D’où il sortira pour nous envoyer
Dans la barque à Caron vers la mort éternelle

— Et puis… et puis, il y a la traduction en cours d’Horace par André Markowicz que j’aimerais intégrer dans les Essais, peu importe la version :

Nous sommes tous poussés vers le même lieu,
tirés au sort dans l'urne plus tôt, plus tard,
---------et puis la barque nous exile
----dans le royaume éternel des ombres.

Dans ces vers, je ressens une pulsation, un souffle, un battement. Je cite son traducteur : « […] quand je publie une traduction d’Horace, qui m’aide, lui, littéralement, à vivre, je me dis que je suis obscène — disons, indifférent, fermé au monde, n’est-ce pas, dans ma bulle, dans mon propre « moi je ». Et allez comprendre pourquoi, cette sensation-là, de toutes, est la plus insupportable : pas celle de vivre dans ma petite bulle, pour moi-même, non — mais, surtout, celle de l’offense faite à la métrique devant la catastrophe que nous ressentons tous. Parce que non, je vous jure, la traduction de la scansion par accents d’intensité en scansion par accents toniques faite par les Allemands au XVIIIe (portée à son sommet par Hölderlin) et reprise par les Russes, ça, c’est comme vous voulez, mais c’est plus fort que tout. »

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